Relâcher des lamantins en Guadeloupe : une réintroduction complexe

Mammifère marin atypique, le lamantin des Antilles a vu sa population dangereusement décliner avec le développement de l’activité humaine. Et pour espérer voir de nouveau cette espèce dans son aire de distribution historique, il faut mettre en place un plan de réintroduction… plus complexe qu’il n’en a l’air !

Comment réintroduire le lamantin en Guadeloupe ?

© MNHN

Le lamantin des Antilles, un mammifère atypique

Entre son allure de ruminant des mers et son attrait pour les pirouettes sous-marines, difficile de ne pas tomber sous le charme du lamantin des Antilles (Trichechus manatus manatus). Ce mammifère marin atypique, strictement herbivore, fait partie de l'ordre des Siréniens, au même titre que le dugong. Bien que son aire de répartition s'étende du sud-est des État-Unis à la région nord-est du Brésil et puisse paraître vaste, la réalité est toute autre : « Il y a un trou dans la distribution des lamantins, depuis la Floride jusqu’à l’Amérique du Sud et ce trou est vraiment localisé aux Petites Antilles, où il n’y en a plus », nous explique Alexis Lécu, directeur scientifique du Parc zoologique de Paris

La raison de cette absence ? Le développement de l’activité humaine au cours des derniers siècles, avec l’augmentation du flux maritime, de la pêche, la détérioration de la qualité de l’eau, la pollution de son habitat et la destruction des herbiers marins qui constituent la principale source d’alimentation du lamantin. 

La sous-espèce du lamantin des Antilles compte désormais moins de 3000 individus dans la nature. C’est pourquoi elle fait partie d’un plan d’élevage européen (EEP) associant plusieurs parcs zoologiques, dont le Parc zoologique de Paris qui concentre ses efforts sur deux volets principaux : 

  • Le premier concerne l’amélioration des connaissances biologiques et méthodologiques pouvant servir à recenser les animaux (exemple : études acoustiques), comme c’est le cas en Guyane avec le lamantin d’Amazonie (Trichechus inunguis). Ces méthodes peuvent être affinées avec les lamantins du Parc zoologique de Paris.
  • Le second volet concerne l’assistance scientifique au projet de réintroduction en Guadeloupe, faisant du Parc un support zootechnique qui favorise également les échanges entre les différents acteurs pour faire avancer le projet : identification des animaux candidats, validation des sites de relâcher, des méthodes de suivi, etc.

Une réintroduction du lamantin plus complexe qu’elle n’en a l’air

C’est très compliqué de relâcher des animaux dans la nature parce qu’on a du mal à maîtriser l’impact de l’humain, savoir ce que va devenir le climat dans 20 ans, s’il y aura assez de nourriture ou si l’animal arrivera à se reproduire.

Alexis Lécu, directeur scientifique du Parc zoologique de Paris.

Loin de l’image idéalisée de la réintroduction animale, le cas du lamantin des Antilles nous rappelle que ce type d’opération ne consiste pas simplement à relâcher un ou plusieurs individus : avant ça, il faut vérifier que toutes les conditions pour une réintroduction réussie sont réunies et le resteront à court et moyen terme. Il ne faut ainsi pas négliger la mise en place d’un suivi, qu’il soit établi sur plusieurs années ou plusieurs générations, pour s’assurer que la réintroduction a fonctionné, que l’animal a recolonisé son environnement et que l’équilibre entre la stabilité du milieu de vie, les ressources alimentaires et le retour de l’espèce est maintenu.

Aujourd’hui, plus de 60 lamantins des Antilles sont élevés dans les parcs zoologiques de l’Association européenne des zoos et aquariums (EAZA), parmi lesquels le Parc zoologique de Paris qui a accueilli en mars 2024 une femelle, Unaï. La reproduction de ces individus, bien que lente (la gestation dure un an et se produit tous les 4 à 5 ans) pourrait ainsi permettre de renforcer les populations de lamantins dans les eaux des Caraïbes. 

Ce qu’on espère, ce serait que dans 5 à 10 ans, les premiers animaux soient en acclimatation là-bas [...]. Ça parait complètement réaliste.

Alexis Lécu, directeur scientifique du Parc zoologique de Paris. 

Réalisation

Un reportage réalisé par Sébastien Pagani et Sandro Gnoni. Une production du Muséum national d'Histoire naturelle, 2024.

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